Travaux d’artistes : toutes palettes ouvertes

De mon enfance, je garde la faim encore inassouvie d’une matérialité qui compense mon manque de racine, peut-être. Je dois à mes errances dans des terres vierges et naturelles un goût pour la matière dans le médium peinture avec toutes ses formes de résistance. Si j’ai fait ce choix pour m’exprimer c’est parce que j’aime buter contre cette densité qui ne cède pas et se dérobe, de cette confrontation naît une complicité, un dialogue qui tient parfois de l’accident et m’entraîne vers des terrains inexplorés.
Ce n’est pas par hasard que j’utilise le mot « exprimer » pour parler de ce besoin de jaillissement, d’expulsion, d’« auto-fécondation ». Cette « ex-pression » passe par le corps, le ventre, les mains ; portée par l’émotion, elle est, aussi, indissociable de l’esprit. Les dichotomies du corps et de l’esprit, du cœur et de la raison, me sont insupportables et me semblent contraires à ce qui définit l’Homme en tant qu’être-en-vie.
La communication, elle, relève du langage. Fondée sur un code strict de lexique et de syntaxe, elle sert à véhiculer un message qui se veut, par essence, clair et univoque. S’exprimer, en revanche, relève de l’indicible et passe par l’Art qui est nécessairement polysémique. Cela dépasse l’acte de communication conscient et réfléchi.
C’est la raison pour laquelle je ne ferai pas de discours sur mes toiles. Je laisse aux spectateurs le soin de les enrichir et les animer de leur propre vécu et sensibilité. Je me souviens d’ailleurs que Proust, dans sa « Recherche » rappelle qu’une œuvre d’art accompagnée d’un discours est comme un vêtement neuf sur lequel on a laissé l’étiquette.
Dominique Wacquiez